Une inauguration … peu ordinaire !
Une inauguration … peu ordinaire !
Marie, le 10 septembre 1950
Pas d'eau courante dans les maisons du village. Il faudra attendre l'année 1951 pour que les efforts de notre dévoué maire Monsieur Rozé Bottazzi portent leurs fruits. En attendant, les fontaines du village nous approvisionnent en eau claire et limpide, les ablutions se font dans des cuvettes en émail, et puis il y a les étables où chacun apporte son « tribut à la nature ». Certains villageois, très astucieux, ont creusé une fosse dans leur écurie, reliée par un conduit sur leur balcon . Une petite cabine en bois cache la destination de cet ouvrage. luxe, confort suprême.
Le festin s'est déroulé comme chaque année dans la liesse générale : descente aux flambeaux, procession dans les rues du village jusqu'au pré de « La Vierge », bal sur la place de la Mairie décorée de buis et de sapins. Tout le monde a dansé : petits et grands, jeunes et vieux du samedi au mardi. Maintenant le calme revient..... Pas tout à fait..... Vous allez voir !!!!
Durant tout l'été, Joseph Faraut, retraité des douanes, retiré à Marie, a creusé une fosse dans son écurie avec installation sanitaire sur son balcon. Fier de sa brillante réalisation, durant toute la durée du festin il n'a cessé d'encenser sa fosse auprès de ses amis. Il les a gonflés à bloc avec son leitmotiv : « LA FOSSE », encore « LA FOSSE », toujours « LA FOSSE ». Tant et si bien que ces derniers ont décrété qu'il fallait inaugurer cette petite merveille.
Aussitôt décidé, aussitôt préparé. Tandis que Monsieur Romagnan, l'intellectuel concocte un discours, Victor Isnard revêt ses plus beaux habits, avec multiples décorations, écharpe ministérielle, le voici « Ministre des CAGADOUROS », Madame Trémoulet enfile une tenue d'antan, longue jupe, casaque avec basque, immense chapeau de paille décoré d'une plume d'autruche, la voici « Marraine de la Diarrhée ». N'oublions pas les demoiselles d'honneur Mimi et Madame Bianchi ( une estivante ), en culotte authentique 1900, coton blanc, volant aux genoux, largement fendue de haut en bas, équipées de leurs attributs : « pots de chambre et goupillons ». Des buis décorent l'entrée de l'écurie fermée par un un ruban tricolore.
Tout est prêt. Joseph Testoris qui retenait son vieil ami chez lui sous de fallacieux prétexte, lui exprime son désir de visiter « la fosse ».
A peine sont-ils sortis du tunnel du « Trancha » qui conduit à l'écurie qu'une bruyante fanfare les accueille. En effet, depuis quelque temps, le bon abbé Philiponneau accueille les jeunes dans son jardin, une oasis de fraîcheur et de verdure ( ne cherchez plus cet éden, c'est maintenant un parking) pour les initier à la trompette. Et ces jeunes soufflent à pleins poumons. Armande Faraut, l'épouse de Joseph, retenue à la cuisine par de bonnes amies, entendant ce tintamarre, se précipite sur le balcon,découvre la scène avec stupeur et part d'un fou-rire inextinguible.
L'inauguration officielle se déroule avec solennité. Monsieur le Ministre débite son discours, coupe le ruban avec d'énormes ciseaux d'habitude destinés à tondre les moutons. Chacun pose pour la photo officielle.
Puis tout ce monde pénètre maintenant chez Joseph Faraut, obligé de vider sa cave pour abreuver tous les convives.
C'est le moment de trinquer tous en chœur, dans la joie et la bonne humeur à la santé de la « FOSSE ».
Nice, octobre 2013